La digitalisation est un enjeu clé pour la formation des ingénieurs et les enseignements à l'ESTIA. Adrien Aldasoro a rejoint l'équipe de formation comme ingénieur pédagogique début 2020. Il nous présente son parcours, ses missions et les principaux défis à relever dans le domaine.
Quel est ton parcours ?
Jusqu’à maintenant, mon parcours est un pèlerinage. Aller et retour.
Tout commence à Biarritz. Cursus très classique au démarrage : depuis le Lycée André Malraux (bac S), jusqu’en classe préparatoire au lycée Gustave Eiffel de Bordeaux pour arriver en école d’ingénieurs, aux Arts et Métiers, à Bordeaux puis Paris. Et avec cette montée sur la capitale, le début des pérégrinations ! Plutôt que de foncer travailler dans l’industrie ou le conseil comme la plupart de mes camarades, je choisis de prendre le temps de réfléchir. Un an à Edimbourg en Écosse. Là, une vérité paradoxale me saute à la figure : l’Éducation m’apparaît comme notre principal fléau, la source de tous nos problèmes de société… Mais aussi notre plus grande chance de nous réinventer ! Après des premières expériences comme enseignant en lycée et entrepreneur social, on me propose de devenir ingénieur pédagogique pour mon ancienne école d’ingénieur, à Paris. Avant que le destin ne joue encore des tours et me ramène au Pays Basque…
L’ESTIA a créé en 2020 un poste d’ingénieur pédagogique, qu’est ce qui t’a motivé à postuler ?
Plusieurs choses ! La possibilité de travailler dans un établissement à taille humaine, dynamique et dans une équipe agréable déjà. J’ai également été séduit par les ambitions de l’école, en interne et dans la région.
Ces ambitions s’accompagnent de changements structurels, opérationnels, comportementaux… C’était une création de poste justement ! Ce qui signifiait m’accorder des rôles de réflexion à partir d’une feuille presque blanche, puis de coordination et donc des responsabilités. Et enfin le destin. Petite note personnelle : pouvoir travailler avec Philippe VIOT, directeur de l’innovation pédagogique et doyen des formations à l’ESTIA, que j’avais déjà croisé avec plaisir aux Arts et Métiers, a achevé de me convaincre. Je le remercie, ainsi que Patxi ELISSALDE, notre directeur, de m’avoir tendu la main à un moment important pour moi.
En quoi consiste ta mission ? Quels en sont les principaux challenges ?
Je tiens à préciser qu’en plus d’être ingénieur pédagogique, je suis enseignant à mi-temps pour l’école. L’ingénieur pédagogique a un rôle central dans un établissement : il.elle doit mutualiser les bonnes pratiques pédagogiques. Cela signifie écouter et aider les enseignants, glisser des conseils pertinents. L’objectif ? Faire en sorte que nos élèves se sentent toujours plus impliqués dans nos formations en développant davantage d’interactions avec eux, qu’ils apprennent toujours mieux avec des méthodes et technologies cohérentes par rapport à ce qu’ils connaissent dans leurs quotidiens.
Embauché dans le cadre de la chaire DEFI (Développement de Formations Innovantes), mes missions sortent aussi du cadre ESTIA et visent à promouvoir les études supérieures (notamment scientifiques) chez les jeunes, surtout celles et ceux qui sont laissés pour compte.
Les principaux challenges ? Faire comprendre qu’il est nécessaire de sortir des sentiers battus à présent. Pour deux raisons.
D’abord le modèle des écoles traditionnelles est en danger. Car il n’évolue pas assez vite en terme de flexibilité, de pédagogie, de technologie vis-à-vis des attentes de ses propres usagers et que le savoir se trouve de plus en plus facilement sous des formats de plus en plus compétitifs….
Ensuite car les ingénieurs ont un rôle central dans notre société. Or on nous a formés jusqu’à aujourd’hui dans une logique académique industrielle et faussement élitiste, en se concentrant sur des faux problèmes : contrôler que tous les élèves soient présents, sanctionner les erreurs, leur faire passer des examens individuels, les empêcher de vraiment collaborer, d’innover, d’apprendre à se connaître et de partager des expériences collectives fortes… Mais pour quel résultat ?! Regardez autour de vous. Regardez l’état du monde et de la société en 2020 ! Ce ne sont pas les valeurs que nous souhaitons transmettre à des personnes capables de façonner le monde de demain, capables de paver la route vers un monde plus durable. Il faut être lucide : on ne peut pas continuer à former les mêmes ingénieurs qu’au siècle dernier.
Vous l’aurez compris, ces challenges me dépassent. Je ne peux que montrer une voie. Ce sont de grandes missions essentielles et collectives.
Quelles sont les perspectives de ton activité pour 2021 ?
Les perspectives sont immenses !
Pour le cas général, on peut les déduire directement de ma réponse précédente. Il va falloir individualiser les cursus de formations et le suivi des étudiants (on a d’ailleurs la chance à l’ESTIA d’avoir nos deux référentes de promo, Carmen et Eheina). Il va falloir aussi prendre en compte d’avantage les besoins et attentes des élèves (en les incluant – toutes et tous, surtout les moins impliqués – dans les réflexions pédagogiques et leurs développements opérationnels) d’une part et des entreprises (en mimant les modes de fonctionnement et adaptant nos modules de formations aux startups surtout et PME/PMI) d’autre part. Il faut bien intégrer que la majorité de nos élèves (comme la majorité des jeunes) est paumée. Dans un monde toujours plus contradictoire, enchaînant les choix par défaut, notre devoir est à l’accompagnement, au tutorat, au mentorat : il nous faut sublimer la quête du sens. Autrement dit, forger un état d’esprit dans lequel nous nous remettons, toutes et tous, constamment en question. On ne peut pas attendre que nos élèves sortent pour trouver ce sens et développer des compétences utiles pour eux… L’école est faite pour ça !
Il faut encourager et valoriser l’erreur comme unité d’apprentissage, susciter la curiosité et l’envie d’apprendre comme levier d’assiduité et de motivation, favoriser la collaboration à tout moment, surtout en examen, laisser du temps libre aux élèves, leur permettre de s’ennuyer positivement pour développer la créativité, célébrer et responsabiliser la vie étudiante comme vecteur de bien-être d’un futur réseau fort… Enfin, une mission trop souvent sous-estimée mais ô combien importante : il va nous falloir attirer toujours davantage de profils féminins et entrepreneurs dans nos locaux. Un changement de valeurs s’impose pour les grandes écoles comme l’ESTIA. Comment les définir sans une parité de représentation… ? Et puis qui sait ? Si toutes les écoles avaient pensé comme ça dès le début, le monde serait peut-être différent aujourd’hui…
Pour l’ESTIA, on pourrait penser qu’elles sont exclusivement digitales… mais pas du tout !
Nous devons susciter des vocations. Un.e élève qui sait ce qu’il.elle veut, qui sait pourquoi il.elle est là, c’est un.e élève qui a envie d’apprendre et donc qui apprend vraiment.
Pour cela, nous allons intégrer davantage de jeunes lycéens de la région dans nos activités. Autour de hackathons (350 lycéens seront déjà présents aux 24h de l’innovation), de serious games inclus dans nos enseignements ; les viser directement dans notre communication avec une image de marque plus moderne les aidant à trouver leur voie…
Mais aussi (et surtout) en rendant nos formations attractives ! Nous devons proposer des formes d’apprentissage plus ludiques et pratiques. Nous devons nous adapter à leurs besoins futurs et leurs habitudes et envies présentes. J’imagine que certains vont tiquer à me lisant mais l’ESTIA doit se préparer à moyen terme à enseigner régulièrement en situation comodale (avec des élèves présents et d’autres absents), l’ESTIA doit conserver après la crise sanitaire une forme construite d’apprentissage à distance. Les entreprises se mettent de plus en plus au télétravail et c’est un mode de travail qui restera après crise surtout sachant la quantité d’emplois se créant dans la Tech. Nous devons préparer nos étudiants à ça !
Ce qui veut aussi dire au final pour nous, sélectionner et employer au quotidien des outils adaptés, modernes, limités en nombre, avec des usages clairement identifiés : 1 outil = 1 usage dans la mesure du possible. L’école travaille déjà aujourd’hui efficacement avec Microsoft Teams, Moodle, Wooclap… Il s’agit donc d’accompagner mieux encore l’ensemble de nos enseignants dans l’utilisation adéquate de ces outils et l’élaboration de méthodes pertinentes et efficaces.